Je viens de voir un film, il était...

Quelques années après sa sortie, j’ai enfin eu l’occasion de regarder ce film de Tim Burton, et j’en ressors enchantée et décidée à l’acheter. Pour vous dire combien ce film m’a comblée !

Situation de départ : alors que les noms défilent devant nos yeux impatients, nous pouvons dors et déjà apercevoir un jeune homme plus qu’appliqué en train de dessiner un papillon, papillon qui se révèlera ne pas être anodin, reparaissant plusieurs fois par la suite. Ce garçon, qui nous est étrangement familier, libère le petit être qui nous invite à découvrir le monde du film….

1) Le monde des vivants.

Terne, sans saveurs, tout en tons gris et bruns. Tous ses habitants sont laids, disproportionnés, blasés par une vie répétitive et sans saveurs. Tout n’est que rythmé pas les tics tacs des nombreuses horloges. Ils ne semblent n’être pas eux-mêmes, ternes, soumis au temps qui passe, ne goûtant pas la joie de vivre.
C’est dans ce cadre morose qu’on découvre tout d’abord les parents de Victor, riches poissonniers, prêts à tout pour entrer dans la grande société, avides et hypocrites. Remplis de tous les vices, comme tout bons méchants qui se respectent ! Mais ils nous semblent particulièrement insupportables, et on se demande comment leur fils, Victor, peut être à ce point différent (sans doute pouvons-nous deviner que c’est parce qu’il ne supporte pas toutes les valeurs de ce monde). Ces parents entament la première chanson (According to Plan, de son titre français Conformément au Plan). Cette chanson, sombre et lancinante, résume toute la morosité de ce monde, où on ne distincte même pas le jour et la nuit. Les parents veulent à tout prix un mariage pour assurer leurs intérêts. La vie des personnages de ce monde semble n’être animée que par la vanité, la volonté d’être supérieurs aux autres.
Ainsi, Tim Burton nous dépeint un monde réel horriblement égoïste et même horrible au sens premier, plein de convenances à respecter. Cette image ne s’améliore pas quand on découvre les parents de Victoria, qui nous semblent au fond encore pire que ceux de Victor. Ne parlons même pas du religieux sensé animé leur cérémonie.
Seuls Victor et Victoria sont différents. Timides, innocents, ne comprenant pas pourquoi tant d’individualisme et de vanité, ils sont réellement faits l’un pour l’autre, bien que leurs parents répugnent à penser que l’amour est la base d’un mariage. LE coup de foudre qu’on voit venir à des mètres, voire des kilomètres, mais qui, étrangement, nous séduit. Dès le moment où on voit qu’ils s’aiment tendrement, on devine que dans la logique des choses de ce monde horrible, ils ne pourront être réunis comme selon leur volonté commune de s’aimer devant Dieu et les hommes.

Tim Burton nous montre donc ici un monde réel où tout est sans saveurs, sans goûts, où vivre est pénible et où tout ce que nous désirons est hors de notre portée (Victoria ne pouvant même pas approcher le piano, par exemple, alors qu’elle est séduite pas le son de la mélodie que Victor joue lorsqu’il ne désire pas suivre les deux couples parentaux englués dans leurs mensonges hypocrites).





2) Le monde des morts.

C’est avec étonnement que nous découvrons le parfait opposé du ‘second étage’, comme ils l’appellent. Tout est teinté de différentes couleurs pastelles, mais plus variées les unes que les autres ! Leurs chants sont réellement joyeux, les personnages haut en couleurs !
Quel choc pour un monde des morts, n’est-ce pas ? Il se trouve qu’il ne soit pas si mort et morose que cela. Les gens semblent y être bien plus vivants et heureux que ceux qui sont en haut ! Conscients de la brièveté de la vie, ils en rient, ils en font une chanson, ils boivent, dansent ! Un monde joyeux, où on se plaît plus que chez les autres.
Alors que les premiers ne voient que les intérêts financiers d’une union, ceux-ci sont tout heureux de célébrer un mariage, une véritable union entre deux être qui s’aiment et qui vont être réunis pour certainement un avenir meilleur que pire.
Un monde beaucoup plus attachant, où on rit de tout, même de son propre trépas. Victor est cependant un peu perdu quand il y est amené par Emily (oui, Emily, c’est cette mariée à moitié décomposée sur le coffret du dvd !). Marié par accident avec un cadavre, il se retrouve projeté dans ce monde tellement différent du sien… Pas étonnant, très chère, qu’il tente de s’enfuir !
Remarquons également que quand le monde des morts et le monde des vivants se rencontrent à la fin du film, tous les personnages du monde d’en haut semble plus vivants après l’arrivée de leurs proches décédés !
Quel message essaie donc de nous passer Burton ? Sans doute qu’on ne profite pas assez de la vie, et qu’on ne se rend compte de sa véritable valeur qu’après l’avoir perdue. Triste jeu du sort, on peut toujours se rattraper dans le restaurant tout le temps ouvert en bas !
Vous me comprendrez totalement quand vous verrez le film, je vous assure… ;-)

3) Le papillon ou le rêve…

C’est réellement à cette valeur que me fait penser ce papillon que l’on retrouve plus d’une fois dans le film
Tout d’abord, au début de l’œuvre, lorsque Victor le dessine. Ce papillon, plus libre que lui, peut voler où il le désire, découvrir peut-être un autre monde. Il le regarde rêveusement partir lorsqu’il le libère après l’avoir esquissé. Première apparition de ce papillon bleu.
Ensuite, on le revoie lorsqu’Emily revient avec Victor dans le monde des vivants. Encore une fois, il rappelle le rêve, car notre chère défunte regarde la lune, se souvenant de son éclat, mais également de la fragrance de l’air de son ancien monde, dansant sous le clair de lune (le morceau correspondant, Moondance, est réellement conseillé…Une merveille !). De plus, elle rêve de rencontrer les parents de son époux, offre qui se révèlera par la suite un peu utopiste.
Enfin, on revoit également à la fin ces papillons bleus : rêve de repos et de liberté afin atteint.

4) Les personnages (mes coups de cœur)

-Victor : en lui, on reconnaît avec plaisir chacune des mimiques, chacune des réactions de Johnny Depp. Ce personnage est sans doute un de mes préférés : terriblement timide, maladroit, c’est un rêveur qui ne sait pas comment faire pour bien faire ! Terriblement attachant, on l’adore autant qu’on déteste ses parents !
Au début de ce film, il est terriblement lâche malgré tout. N’osant pas dire leurs quatre vérités à ses parents, fuyant la répétition de son mariage avec Victoria, puis fuyant Emily, il ne fait qu’éviter les situations chaotiques, en créant lui-même par la même occasion !
C’est au moment où on croit le plus qu’il s’échappera encore qu’il est prêt à tout. En effet, suite à la découverte du mariage de Victoria, sa bien-aimée, il accepte de se suicider pour pouvoir se marier avec Emily et donc combler tous les désirs, les attentes de cette dernière. Je trouve personnellement ce passage très poignant. Comprenant sa douleur de ne plus être vivante alors qu’elle l’aime de tout son cœur, Victor accepte de s’unir à Emily, à défaut de rendre celle pour qui il a eu le coup de foudre heureuse.

-Victoria : trop lisse, trop belle, trop tout. On a du mal avec ce personnage la première fois qu’on la voit, et je me suis même dit que Victor irait mieux avec Emily qu’avec elle. Elle nous devient plus sympathique après avoir revu Victor qui tente de lui expliquer sa fâcheuse situation, et pour cause : elle devient prête à tout pour le sauver, bien que ses parents veuillent la mettre dans une camisole de force. Naïve, elle croit qu’il existe de l’amour entre son père et sa mère, qu’elle peut demander l’aide d’un religieux lorsque Victor a besoin d’elle… Elle est également attachante lorsqu’elle est prête à laisser Emily épouser Victor, ne disant rien dans le fond de l’église.

-Emily : la plus drôle et touchante des mariées décédées de l’histoire du cinéma ! (quoi, c’est sans doute la première ? Je ne vous crois pas !) Avec son comparse le vers, elle nous fait sourire mais surtout nous touche terriblement. Victime du sort, attendant depuis longtemps l’amour, elle est émouvante lorsqu’elle exprime son désespoir face au fait que Victor préfère Victoria, se sentant inférieure à elle car elle ne respire plus… (La chanson correspondante, Tears to Shed, est très poignante). Elle est également bouleversante à la fin du film, lorsqu’elle se rend compte qu’en voulant réaliser son rêve, elle brise celui de Victoria. Sans doute le personnage le plus émouvant du film.

-Le vers et la veuve (l’araignée) : un duo inattendu mais très drôle ! Meilleurs amis de notre chère Emily, ils nous font rire quand ils essaient de la rassurer de manière un peu maladroite.

-Le squelette au chapeau melon : le plus drôle des cadavres !

5) Les jeux de mots

Il y en a tellement qu’on ne pourrait pas tous les citer, je le crains ! Un parmi tant d’autres…

-Tu n’as plus qu’à remonter cette fille dans tes filets !
-C’est moi qui ai envie de filer !

Ils jalonnent le film, nous font rire par leur présence discrète mais pourtant réelle. Ils apportent également une touche légère à ce film ayant pourtant une histoire de base glauque (en effet, il s’agit tout de même de la chronique d’une pauvre type qui se marie par accident à une femme à moitié décomposée et qui se retrouve prisonnier du monde des trépassés !). Ici encore, Tim Burton nous démontre tout son talent : il arrive à aborder un sujet au fond morbide, mais inédit, mais unique, d’une manière tout à faire insouciante et avec un œil neuf ! On en vient à préférer les morts aux vivants, à espérer que Victor ne laisse pas tomber Emily tout en ne voulant pas le désespoir de Victoria…

6) Le graphisme

Les décors sont vraiment impressionnants : on a l’impression que tout se passe dans le monde réel. Je n’ai pas pu laisser échapper une remarque pendant mon visionnage : « on dirait que les pavés, ce sont des vrais ! ». Insignifiant s’il en est, semble-t-il, mais tout semble vrai, aussi bien l’église du religieux que le velours du cercueil d’Emily, mais également les touches du piano… Dans ce monde aux allures de réalité, se déplacent des personnages fantasques qui nous rappellent que tout ceci n’est qu’une illusion, bien que très sophistiquée (et vive la technologie !) Les décors sont donc superbes.
Les personnages ont des aspects amusants, mais ce n’est pas ce qui marque le plus. Tout est disproportionné chez eux, suscite le sourire par leur ridicule et leur corps tordus. Mais cela contribue à dire que ces personnages qui sont nés dans un monde des vivants tordu et horrible ne font que subir les défauts de ce monde imparfait. Sous la forme de squelette, ils sont donc non seulement tous égaux, mais ont tous des aspects normaux.

7) Le scénario

Tellement prévisible… Ce n’est pas un film à suspens ou d’aventure que Tim Burton nous propose, aussi sait-on dès que le décor est posé comment cette histoire va se finir. Mais ce n’est pas le scénario qui fait la force de ce film, mais bel et bien ces personnages, son message, ses décors… Si Tim Burton nous laisse entrevoir dès les premières minutes la situation finale de son œuvre, ce n’est pas pour autant que nous ne sommes pas émus quand celle-ci se produit. On se surprend à verser une petite larme à la fin de ce film même, bien qu’on se raisonne en se disant qu’on SAVAIT que ça allait finir ainsi ! C’était impossible que ça se termine autrement, mais on s’émeut quand même.
Bien que cette histoire ne présente aucun retournement de situation prodigieux (sauf peut-être le courage soudain de Victor), elle arrive à nous captiver, même s’il n’y a ni suspens, ni fin inattendue. Au contraire, lorsque cette fin arrive, on se sent un peu amer, car Tim Burton nous avait déjà fait sentir, dès que tous les personnages étaient en scène, que le dénouement idéal qu’on aurait voulu pour nos trois personnages principaux n’était qu’un rêve, un papillon face à la pleine lune…

8) Une scène à voir à tout prix !

Dans le monde des vivants : la répétition du mariage de Victor et Victoria. Totalement hilarante !
Dans le monde des morts : lorsque l’histoire de Emily est racontée à Victor en chanson.

9) La musique

Un gros coup de cœur pour la musique m’est véritablement tombé dessus sans prévenir, pourrai-je dire. En effet, une fois de plus composée par Danny Elfman, on est séduit pas ses doux morceaux de piano, ses chansons délirantes qui nous rappellent les Disney de notre enfance, quand les personnages parlent en chantant, ce qui nous faisait rire constamment et qu’on n’arrêtait pas de répéter par la suite (cela rendait certainement quelques parents fous !).
Maintenant que j’ai la bande originale, je peux assurer que je ne cesserai de l’écouter dès que je pourrai et que je tenterai à tout prix de jouer ces chansons.

10) Conclusion.

8/10 est une côte qui convient tout à fait à ce film, selon moi. Un bon Tim Burton, alliant humour et morbide, émotion et extraordinaire, de manière extraordinaire. Peu de points faibles dans cette œuvre, pour ceux qui apprécient le genre de ce réalisateur. Pour ceux qui ne supportent ni son graphisme, ni sa vision des choses, qu’ils s’abstiennent car nous avons à faire à un réel film du genre de Tim Burton.