RésuméAdapté du manga Life de Keiko Suenobu, ce drama fouille dans le côté sombre de la vie de lycée. L'histoire se concentre principalement sur l'intimidation, mais elle traite également de sujets tels que l'automutilation, le suicide, le viol, la violence parentale. Kitano Kii (Ayumu Shiiba) tient le premier rôle, une des étudiantes intimidées par un groupe de camarades de classe menés par une de ses anciennes amies : Manami Anzai (Fukuda Saki).
Casting* Kitano Kii dans le rôle de Shiiba Ayumu
* Fukuda Saki dans le rôle de Anzai Manami
* Hosoda Yoshihiko dans le rôle de Sako Katsumi
* Seki Megumi dans le rôle de Hatori Miki
* Sakai Miki dans le rôle de Hiraoka Masako
* Seto Asaka dans le rôle de Toda Wakae
* Maya Miki dans le rôle de Shiiba Fumiko
* Hoshii Nanase dans le rôle de Hirose Nodoka
* Osawa Akane dans le rôle de Shinozuka Yuko
* Katsumura Masanobu dans le rôle de Sako Toshikatsu
* Nakamura Tomoya dans le rôle de Kano Akira
* Suenaga Haruka dans le rôle de Iwamoto Midori
* Ono Takehiko dans le rôle de Anzai Daijiro
* Hojo Takahiro dans le rôle de Sonoda Yuuki
* Yajima Kenichi
Petit point sur la persécution scolaireTout d'abord, j'aimerais éclaircir un point : ce qu'est exactement l'hijime ou persécution scolaire.
La persécution scolaire désigne l'activité d'un groupe s'acharnant sur une victime dans le but de la faire craquer. Pour ce faire tous les moyens sont bons, parmi ceux auxquels j'ai moi-même assisté, je peux citer les insultes, les bousculades, les objets qu'on jette sur la personne, les inscriptions insultantes laissées en travers des cahiers ou des livres, la mise à sac des affaires en général, leur dissimulation ou leur vol, les plumiers vidés sur le sol, les pique-niques saccagés, les ciseaux en plein dans la coupe de cheveux, les insultes sur le tableau noir, les sous-entendus niaiseux quand la victime est interrogée par le prof, et bien d'autres encore.
La persécution scolaire est une expérience extrêmement traumatisante du fait que les scènes se répètent et s'étirent dans le temps. La victime se retrouve rapidement isolée ; les persécuteurs ont le champ libre et rallient à eux le reste de la classe ; ceux qui ne participent pas s'amusent en regardant, changent de camp en imitant les persécuteurs, ou dans le meilleur des cas, ils sont tétanisés par la crainte d'être pris pour cible à leur tour et restent donc passifs. Les éventuels amis ne tardent pas à retourner leur veste ou à prendre leurs distances. Les adultes ne prennent pas au sérieux les problèmes des enfants, les confondent avec des « jeux » ou, désemparés, ignorent comment réagir, quand ils ne se voilent pas tout simplement la face.
L'hijime est épuisant pour la victime et beaucoup d'entre elles finissent par tenter de se suicider, d'autres choisissent de sécher les cours et se coupent du monde voire de leurs familles (ce sont ceux qu'on appelle au Japon les « hikikomori »). Bien souvent, les stigmates laissés par la persécution sont profonds et le passage des années ne contribue guère à les atténuer ; certaines victimes parviendront à retrouver un équilibre social normal sans pour autant pouvoir oublier cette période de leur vie ; d'autres demeureront pour le restant de leurs jours des personnes peu sociables et peineront à trouver leur place dans une société où est mise en avant une « hypersociabilité » confinant à l'extrême. En parler leur paraîtra toujours éprouvant et honteux.
À noter que la persécution ne se réduit pas au domaine scolaire mais peut également se retrouver dans la vie professionnelle (un point qui est également montré dans le drama) ou tout autre groupe de personnes.
J'aimerais également insister sur le fait que les persécutions scolaires constituent certes un problème de société au Japon, où le système est particulièrement vindicatif, mais ce n'est pas pour autant qu'elles sont inexistantes en Europe, bien au contraire. Je peux vous citer de tête les noms d'une dizaine de personnes ayant mené des groupes d'hijime ainsi que leurs victimes, et vous décrire leurs coupes de cheveux. C'est pourquoi j'insiste sur le fait que quand on y est confronté il faut savoir regarder la réalité en face et ne pas se dire « Ils exagèrent, ce n'est pas de la persécution », « Ce n'est pas si grave » ou autre chose du genre. La victime d'hijime a réellement besoin d'aide, même si au début il est possible qu'elle la rejette, car rapidement la perte de confiance en autrui se généralise et l'idée de recevoir une aide finit par acquérir le statut d'impossibilité.
Avis personnelOn m'avait prévenue que ce drama était sombre, je ne m'attendais pourtant pas à ça.
C'est avec un grand talent que la scénariste d'origine est parvenue à entremêler des thèmes terribles et les divers cas de figure pouvant apparaître dans de telles conditions. Aucun personnage n'est laissé de côté, et la psychologie et l'histoire de chacun est soignée avec une impressionnante minutie.
Dans ce drama, nous avons tout :
- L'ancienne victime d'hijime qui, pour échapper à ce phénomène, préfère transmettre le rôle de cible à une autre.
- L'ancien victime d'hijime qui ne peut rester indifférent mais est traumatisé par son expérience vécue et déchiré entre le désir d'aider la nouvelle victime et la crainte de replonger dans ce cycle infernal.
- La prof qui ferme les yeux, refuse de voir la vérité en face et choisit la version qui l'arrange le mieux.
- La prof qui se rend compte de la situation et cherche à agir, mais demeure incomprise aussi bien auprès des jeunes qu'auprès de ses collègues.
- Les parents qui ne comprennent rien à rien.
- La victime, qui s'enfonce dans les ténèbres, ne sait pas comment réagir, a peur, se sent seule jusqu'à en être malade, et perd petit à petit sa confiance en l'être humain en général...
Bien sûr, en dehors de ces cas particuliers, il y a les persécuteurs, les neutres qui participent de loin mais laissent quand même au bouc émissaire un amer sentiment de collectivité. Et tous ceux de l'extérieur qui savent mais refusent de s'en mêler, qui savent et qui rigolent, qui savent et laissent agir...
Le sentiment de solitude est extrêmement bien retranscrit. Il va de soit que dans la réalité il n'y a pas toujours des Hatori, il n'y a pas toujours des Sonoda pour offrir à la victime d'hijime une lueur d'espoir à laquelle se raccrocher désespérément. Et surtout tout le monde ne possède pas le courage d'Ayumu, et pour le voir nous avons Sonoda, Rika ou Hirose...
À ce thème central qu'est l'enfer des persécutions s'additionnent d'autres, tels que la violence parentale (l'un des personnages est sévèrement battu par son père à la moindre erreur, ce qui le mène à la folie, laquelle s'exprime par une violence sournoise reportée sur autrui, ce qui conduit au thème de l'agression et du viol...). Il y a des personnages adorables et d'autres qui sont haïssables, mais aucun ne laisse indifférent tant leur présence est palpable.
Au niveau de la forme, tout a été fait pour rendre ce drama aussi touchant qu'inoubliable.
Tout d'abord, une palme au réalisateur, Masaki Tanimura, dont les cadrages claquent et c'est peu de le dire. Gros plans, plongées, caméra couchée, il n'y va pas de main morte et tout ça est réalisé avec un talent très impressionnant, franchement, bravo ! Ce n'est pas sans doute pas par hasard que cette personne a remporté les 54th Television Drama Academy Awards dans la catégorie « meilleur réalisateur » ^-^.
Un autre Drama Award a été accordé à la série, plus précisément à Saki Fukuda dans le rôle de Manami Anzai, sans doute la pire peste de toute l'histoire de la télévision ! Cependant elle n'est pas la seule actrice à être excellente puisque c'est le cas de tout le monde ; les jeux sont réellement réussis et donnent des frissons...
Tout ça est soutenu par une bande-son affriolante, dont je suis à la recherche sans grand espoir.
En fin de compte, même si dans Life ça va très loin en particulier vers la fin, il faut vraiment regarder ce drama en gardant à l'esprit que les scènes que vous verrez sont des réalités quotidiennes, non seulement au Japon mais chez nous aussi. C'est un cri du cœur, je vous demande de comprendre la souffrance des victimes et de ne jamais rester indifférent à la persécution. J'en connais plus d'un dont la vie sociale a été bousillée par l'hijime, et qui en conservent les traces bien que les faits remontent à près de dix ans. Ceux qui ne l'ont pas vécu ne peuvent absolument pas en comprendre les conséquences ; mais peut-être, cette œuvre saura-t-elle leur en donner un aperçu. Je l'espère en tout cas.