L’histoire de
Buddy Longway se situe au temps de la conquête de l’Ouest Américain, mais autant dire que l’ambiance est très, très, très, très éloignée de celle d’un
Lucky LukeSon auteur,
Derib, a entamé avec
Yakari ses histoires d’Indiens ; il a acquis avec
Jo et
No Limit un réalisme poignant, porteurs d’une émotion peu fréquente dans les BD européennes.
Buddy Longway, son œuvre phare en vingt volumes, témoigne de ses progrès et de son talent.
Buddy Longway, donc, est trappeur dans l’Ouest américain. Fils de pionniers, il est proche de la nature et a des contacts amicaux avec les Indiens. Les vingt volumes retracent les étapes primordiales de sa vie, de son mariage avec Chinook (une Indienne), au temps de sa jeunesse, à son décès quelques décennies plus tard. Au fil du temps, on voit naître son fils Jérémie, puis sa fille Kathleen. Jérémie, en particulier, devient rapidement un garçon (
Trois hommes sont passés, tome 3), un jeune homme (
L’Orignal, tome 6), puis un homme (
Le démon blanc, tome 10) qui finalement prendra ses propres orientations, divergentes de celles de ses parents,
avant de connaître une fin tragique (
La balle perdue, tome 18 ). Ce personnage restera toute sa vie déchiré entre ses deux origines, blanches et indiennes.
Buddy Longway ne narre donc pas juste de petites aventures à chaque tome, mais retrace véritablement une vie.
La narration est faite par Buddy à la première personne. Elle raconte la douceur des bons moments, la douleur ou l’angoisse des mauvais, avec un équilibre juste, émouvant mais sans tragédie forcée.
Niveau dessin, on est témoin au long des tomes de l’évolution de Derib. Dans les premiers, son graphisme est plutôt rond et se rapproche beaucoup des
Tintin et autres. Mais peu à peu, son trait gagne en réalisme, pour finalement atteindre une véritable apothéose graphique. On y voit son amour des Indiens, de la nature, et des chevaux. De plus, Derib ne se contente pas d’aligner des cases rectangulaires les unes à côté des autres. Ses cases se chevauchent régulièrement ; quand des souvenirs reviennent en mémoire du héros, ça et là un tableau prime sur un autre ; quand l’action se fait intense et multiple, on a souvent droit à une pleine page où les dessins s’entremêlent.
Bref, Derib est un auteur à découvrir. Plusieurs de ses autres BD possèdent une véritable identité : qui n’a pas pleuré avec
Jo, cette jeune femme atteinte du sida qui se voit décliner en quelques années ? Et sinon, on découvre les tourments de l’adolescence avec
No Limit.
Celui qui est né deux fois est également une bande dessinée atypique, retraçant en trois tomes la destinée d’un chaman indien, occasion idéale de mettre en valeur sa narration superbe, ainsi que les rites et coutumes d’un peuple dont l'identité véritable reste trop méconnue.