Furyo
Furyo, ou dans son titre original "Merry Christmas Mr Larwence" est un film de Nagisa Oshima, cinéaste contestataire japonnais connu pour des films comme "contes cruels de la jeunesse" ou "la cérémonie" (si vous avez l'occasion de mater ses films, je vous y encourage vivement
). Le film est un de ses derniers et fut réalisé en 1983, on pourra noter également un casting singulier, avec un mélange entre acteurs américains et acteurs japonnais, dont Takeshi Kitano, Ryuichi Sakamoto (qui est à la base un compositeur de musique, et qui compose aussi la BO du film) et ... David Bowie.
Synopsis :Dans un camps de prisonniers s'entassent plusieurs centaines de soldats anglais tombés aux mains des japonais. Le responsable du camp est le capitaine Yanoi, un gradé crains et détesté par ses subalternes. Intransigeant, il impose une discipline de fer. La tension entres les deux communautés s'accentue avec l'arrivée d'un nouveau prisonnier, le major Jack Celliers : refusant de se soumettre, celui ci rendra coup pour coup à ses geôliers. (source, dos du DVD "aventi").
Mon avis :Avec la disparition hier matin du chanteur et comédien David Bowie, j'ai décidé de marquer le coup à ma manière en me revoyant un de ses films, et puisque je n'en connais pas 36, j'ai choisis le seul que je possédait en DVD de même que celui dont j'ai le meilleur souvenir.
Et malgré mon excellent souvenir ... Je ne pensais pas être de nouveau surpris par la grande qualité du film !
Voyez-vous quand on regarde trop de films américains, on est habitués, et ce principalement dans les films de guerre, à avoir le camps des gentils et le camps des méchants, même si de temps en temps certains films tentent plus ou moins adroitement de brouiller les pistes. Sauf que Oshima n'est pas un cinéaste hollywoodien, et ce n'est pas non plus un fervent patriote, il a d'ailleurs passé sa filmographie à dénoncer certains travers nippons, notamment le racisme et les discriminations japonaises envers les coréens. Alors forcément, quand un cinéaste comme Oshima s'empare d'un sujet aussi standard pour nous, spectateurs occidentaux ... Eh bien autant vous préparer à un choc !
Le film, contrairement à ses homologues (américains, mais de toutes nationalités également) ne voit pas la guerre comme un conflit entre deux camps, entre des méchants et des gentils, entre des idéaux ou que sais-je encore. Non, le film ne montre pas la guerre comme un conflit (il n'y a pas une bataille en 2h d'ailleurs, ni même un coup de feu) mais comme une rencontre, un choc entre deux cultures radicalement différentes en apparence.
Bien sur l'intérêt du film consiste à nous montrer cette rencontre, et à nous montrer subtilement leurs points communs, toutes partagent les mêmes valeurs et pensent être supérieurs, simplement elles l'expriment différemment.
Mais concrètement, qu'est ce que ça donne ? Simplement un des films de guerre les moins manichéen que vous n'ayez vu, car certes il y a de très bons films de guerre qui montrent cette dernière comme la folie qu'elle est ... Mais très peu de films traitent leurs personnages avec autant d'équité, et peu de films le font aussi bien !
Oshima centre son récit non pas sur la guerre mais sur les personnages qui la vivent, et passe la quasi-totalité des 2h de métrages à développer le quatuor principal (Bowie, Sakamoto, Takeshi et Tom Conti) et se permet le luxe de quelques personnages secondaires, sans jamais tenter de camoufler les horreurs et les terribles conditions d’emprisonnements que l'armée japonaise faisait endurer aux soldat qui avait le malheur d'être pris, mais sans pour autant dénuer les japonnais de toute humanité, bien au contraire le personnage de Kitano est diablement attachant, et fait preuve parfois de bien plus de sympathie que certains américains. De même pour les personnages américains, qui, défient de façon frontale et provoquent les officiers, en méprisant certains de leurs codes d'honneurs, courant ainsi à leurs propres pertes.
Aucun des quatre personnage n'est négligés, tous sont humains, et tous sont victimes, "tous le monde a tord" pour paraphraser le film. Si bien qu'il n'y a nul besoin d'en faire des caisses pour titiller nos émotions, même si bien sur la ... fantastique musique de Sakamoto aide grandement, certaines scènes sont simplement belles, et les personnages sont simplement attachants ... Et ça suffit ! Encore une fois Kitano est absolument grandiose, de même pour Tom Conti qui joue parfaitement son rôle de liant entre ces deux mondes, Bowie est comme d'habitude bourré de charisme et seul Sakamoto surjoue ... Complétement, ce qui au final correspond à son rôle de militaire "coincé" et ce qui explique son attirance pour l'extravagant Bowie.
Car oui autant vous prévenir, même si rien n'est abordé de façon bien frontale, un des principal aspect du film tourne autours d'une attirance refoulée et incomprise de Yonoi pour Celliers, il faut le savoir mais encore une fois, cette attirance est lourde de sens.
Nul besoin d'en rajouter d'avantage, il s'agit là d'un des meilleurs film de guerre. Rien que ça !
4.5/5